I
D’après Karl Marx, l’appartenance d’une personne à une classe sociale se détermine en fonction de la position qu’elle occupe au sein des rapports sociaux de production. Conformément à cette formule, Marx a défini le prolétaire comme le producteur qui n’a (littéralement ou de fait) rien d’autre à vendre que sa force de travail1 . Il en a tiré la conclusion que le travailleur est forcé de vendre sa force de travail (sous peine de mourir de faim).
Ma préoccupation dans cet article n’est pas le bien-fondé de la définition que donne Marx de l’appartenance à la classe ouvrière. Ce que je propose d’évaluer est la validité de la conséquence qu’il a déduite, à tort ou à raison, de cette définition. Est-il vrai que les travailleurs sont forcés de vendre leur force de travail ?
Cette question fait l’objet de débats dans le monde réel, et non seulement dans les universités. Les partisans et les adversaires du capitalisme tendent en effet à s’opposer sur la réponse qu’ils lui apportent. Il existe ainsi une réponse de droite traditionnelle à cette question, et je pense qu’elle est très puissante. C’est pourquoi dans cet article, je me propose d’examiner la réponse de gauche à cette question en tant qu’elle ne me semble pas prendre véritablement au sérieux les objections de droite et, dans le même temps, de montrer les limites de ces dernières.
II
Certains voudraient nier que les travailleurs soient forcés de vendre leur force de travail, parce que d’autres choix s’offriraient à eux : le travailleur pourrait s’inscrire au chômage ou vivre de la mendicité, ou simplement ne prendre aucune disposition et s’en remettre à la chance.
Il est vrai que le travailleur est libre de choisir entre ces alternatives. La reconnaissance du fait qu’il est libre de mourir de faim possède une dimension éminemment ironique dans la mesure où il est en effet libre de se laisser mourir de faim : personne ne menace de l’obliger à rester en vie, par exemple en le nourrissant de force. Cependant, en inférer que, pour cette raison, il n’est pas forcé de vendre sa force de travail équivaut à utiliser une fausse interprétation de ce que pourrait signifier« être forcé à faire quelque chose ». Lorsque je suis forcé à l’action, je n’ai pas à trancher entre l’alternative de ce qui est raisonnable et de ce qui est acceptable. Cela n’implique pas non plus le fait de n’avoir aucune alternative. Habituellement, lorsqu’une personne affirme « j’ai été forcé à le faire, je n’avais pas d’autre choix », la deuxième partie de l’énoncé renvoie, comme une ellipse, à une formule du type « je n’avais pas d’autre choix qui aie valu la peine d’être considéré ». En effet le sens le plus courant de « X est forcé de faire A » implique que X est forcé de choisir de faire A, et c’est en ce sens courant qu’est compris l’énoncé selon lequel le travailleur est forcé de vendre sa force de travail. Ainsi, le fait qu’il soit libre de mourir de faim ou de vivre de mendicité au lieu de vendre sa force de travail n’est pas une réfutation de l’énoncé soumis à discussion : celui-ci implique simplement qu’il existe d’autres choses (inacceptables) qu’il est libre de faire.
III
Robert Nozick m’accorderait que de nombreux travailleurs n’ont pas d’alternative acceptable à la vente de leur force de travail, et il reconnaît qu’il n’est pas nécessaire de supposer l’absence d’alternative pour considérer les travailleurs comme étant forcés de vendre leur force de travail. Mais il nie que l’absence d’alternative acceptable au fait d’accomplir A équivaut à être forcé de faire A, aussi mauvais puisse être A, et aussi mauvaises puissent être les alternatives. Car il défend l’hypothèse selon laquelle l’absence d’alternative acceptable n’équivaut à une contrainte que lorsqu’elle s’explique par des actions injustes. Les distributions de propriété, qui renvoient à divers processus d’acquisition et d’échange, peuvent laisser le travailleur sans autre option, mais il n’est néanmoins pas forcé de vendre sa force de travail, si ces processus se sont déroulés sans injustice.
L’objection de Nozick à la thèse examinée ici repose sur une représentation morale de ce que signifie être forcé de faire quelque chose. C’est une représentation erronée, car elle implique la conséquence absurde selon laquelle si l’emprisonnement d’un criminel est moralement justifié, alors il n’est pas forcé d’aller en prison. Nous pouvons donc écarter l’objection de Nozick2 .
IV
Il existe cependant une objection à l’énoncé selon lequel les travailleurs sont forcés de vendre leur force de travail qui ne dépend pas d’une interprétation morale de ce qu’implique le fait d’être forcé. Mais avant de la discuter dans la section V, il me faut expliquer la manière dont je conçois la proposition « être forcé de vendre sa force de travail ». L’argument vient de Karl Marx. J’ai indiqué précédemment que Marx décrivait les classes en référence aux rapports sociaux de production, et l’argument en question vise à satisfaire cette condition : il s’agit d’affirmer quelque chose à propos de la position du prolétaire dans les rapports capitalistes de production. Or, pour le marxisme, les rapports de production possèdent une objectivité: la nature des rapports de production n’implique pas que les individus aient conscience de la nature de ces rapports. Il en résulte que si le prolétaire est forcé de vendre sa force de travail au sens marxiste du terme, ce doit être en raison de sa situation objective, et non de son attitude individuelle, de son degré de confiance en soi, de son niveau de développement culturel, etc. Dans tous les cas, il est improbable que de telles limites de nature subjective puissent être à l’origine de ce qui nous intéresse, à savoir l’absence de liberté, laquelle ne doit pas être confondue avec quelque chose de semblable mais néanmoins assez différent, à savoir l’incapacité. Ainsi, même si le manque d’assurance pouvait, entre autres attitudes, être considéré comme la cause du fait d’être forcé de vendre sa force de travail, cela ne serait pas pertinent ici (à part peut-être lorsque les limites subjectives personnelles résultent des rapports capitalistes de production, une possibilité considérée plus loin dans la section XV).
Être forcé de faire A en raison de sa propre situation objective signifie le faire pour des raisons autres que les raisons subjectives mentionnées précédemment. Nombreux sont ceux qui insisteraient sur le fait que la source réelle de la force, et a fortiori,de la force objective, est l’action d’autres individus, de ce qu’ils ont fait, de ce qu’ils font ou de ce qu’ils feraient si quelqu’un essayait de faire A. Je suis d’accord avec Harry Frankfurt3 pour qui une telle insistance est fausse, mais je l’accepterai, dans cet article, pour deux raisons. La première est qu’une telle restriction rend plus difficile, et donc plus intéressante, la démonstration selon laquelle les travailleurs sont forcés de vendre leur force de travail. La seconde est que, comme je vais à présent tâcher de le démontrer, là où les rapports de production forcent des personnes à faire certaines choses, il y a bien des individus qui en forcent d’autres à faire certaines choses, si bien que la condition « pas de force sans agent qui l’applique » est ici satisfaite, même si elle n’est pas valable d’une manière générale.
Il est possible d’identifier les rapports de production d’une société avec les pouvoirs dont sont dotés les individus occupant diverses positions par rapport aux forces productives de la société, à savoir les capacités de travail de ses producteurs et les moyens de production qu’ils utilisent4 . Nous pouvons distinguer les utilisations normales et les utilisations déviantes de ces pouvoirs. Mon hypothèse sera ainsi qu’un travailleur est forcé de vendre sa force de travail, au sens où nous l’entendons ici, si et seulement si la contrainte résulte de la réalité et de l’exercice standard du pouvoir des rapports de production.
Si un millionnaire est forcé par un maître-chanteur de vendre sa force de travail, il ne l’est pas forcément au sens marxiste approprié, puisque le maître-chanteur n’utilise pas dans ce cas son pouvoir économique. La contrainte pertinente doit en effet non seulement correspondre à un usage du pouvoir économique mais encore à un exercice normal de ce pouvoir économique. Je ne sais toujours pas comment définir « normal » mais il n’est pas difficile de distinguer des situations de façon intuitive. Si par exemple un capitaliste fait appel à des hommes de main pour forcer des individus à travailler pour lui, la contrainte qui en résulte est due à un exercice anormal du pouvoir économique. Et on peut envisager des cas de relâchement de la contrainte qui s’avèrent tout aussi peu pertinents : un capitaliste philanthrope qui appliquerait le principe « premier arrivé, premier servi » peut très bien vouloir transmettre aux travailleurs d’importantes parts de la propriété de son entreprise. Voilà qui ne représente guère un usage normal du pouvoir économique.
Supposez néanmoins que la contrainte économique structurelle ne fonctionne pas, comme nous venons de le proposer, sur la base de l’exercice régulier, par des personnes, des pouvoirs constitutifs de la structure économique, mais d’une façon plus impersonnelle, comme semblent l’imaginer les althussériens. Il est alors toujours possible d’affirmer, quoique pour une raison différente, que si la structure du capitalisme ne laisse pas au travailleur d’autre choix que de vendre sa force de travail, il est alors forcé de le faire en raison des actions d’autres personnes. Car il est vrai qu’à tous égards, la structure du capitalisme ne fonctionne pas de façon autonome. Elle se maintient grâce à de nombreuses actions humaines délibérées, notamment par l’intermédiaire de l’État. Et si, comme je le pense souvent, l’État fonctionne pour le compte de la classe des capitalistes, alors toute contrainte structurelle en vertu de laquelle le travailleur doit vendre sa force de travail se fonde sur une volonté humaine implicite telle que soit satisfaite la condition selon laquelle là où il y a de la force, il y a des êtres humains pour la mettre en œuvre.
Cette condition pourrait être satisfaite par une doctrine plus faible que celle qui présente l’État comme un instrument de la classe capitaliste. On pourrait en effet supposer que l’État soutient l’ordre capitaliste non pas parce que c’est un ordre capitaliste mais parce que c’est l’ordre existant, et l’État serait dès lors voué à faire respecter l’ordre existant quel qu’il soit. Dans ce cas, il est également justifié de parler du fait d’être forcé selon une causalité humaine.
V
L’interprétation ici proposée de « être forcé de vendre sa force de travail » soulève de sérieux problèmes pour la thèse examinée . En effet, s’il existe des personnes dont la position objective est identique à celle des prolétaires, et qu’elles ne sont pas forcées de vendre leur force de travail, alors les prolétaires ne sont pas, au sens pertinent, fondamentalement forcés, et la thèse est fausse. Or il semble que de telles personnes existent.
Je pense ici à ces prolétaires qui ne possédaient à l’origine pas plus de ressources que la majorité, et qui ont acquis des positions qui les ont extrait du prolétariat, notamment dans la petite-bourgeoisie. Parmi les exemples frappants que nous offrent la Grande-Bretagne, on peut songer à ces groupes d’immigrés qui, à l’origine désargentés et sans réseau, ont réussi à gravir la hiérarchie de classe à force d’efforts, de talent et de chance. Voyez – c’est un exemple contemporain – ceux qui sont prêts à travailler de très longues heures dans des magasins qu’ils ont achetés à des bourgeois britanniques autochtones, lesquels avaient l’habitude de les fermer tôt. En général, leur capital initial se compose de l’épargne qu’ils ont accumulée, peut-être avec difficulté, alors qu’ils étaient encore dans une situation de prolétaire, et de certaines formes de financement externe. Objectivement, la plupart5 des prolétaires britanniques sont en mesure de se procurer un tel capital. Dans cette optique il semble donc évident que la plupart des prolétaires britanniques ne sont pas obligés de vendre leur force de travail.
VI
Permettez-moi à présent de réfuter deux objections prévisibles à l’argument précédent.
La première consiste à soutenir que les personnes que nous venons de mentionner étaient, lorsqu’elles étaient prolétaires, forcées de vendre leur force de travail. Leurs situations ne montrent pas que les prolétaires ne sont pas forcés de vendre leur force de travail. Elles montrent bien plutôt que les prolétaires ne sont pas forcés de rester des prolétaires.
Cette objection repose sur un malentendu concernant ce que à quoi pensent les marxistes lorsqu’ils affirment que les travailleurs sont forcés de vendre leur force de travail. Mais avant d‘expliciter cette formule, il me faut défendre un énoncé général à propos de la liberté et de la contrainte : *l*es attributions tout à fait explicites de liberté et de contrainte contiennent deux indices temporels. Illustration : il se peut que je sois réellement en position d’affirmer que je suis libre d’assister à un concert demain soir, puisque jusqu’à présent aucun événement n’a eu lieu et n’est susceptible de m’empêcher de le faire. Dans ce cas, je suis à ce moment précis (maintenant) libre d’assister à un concert demain soir. De la même façon, la période durant laquelle je suis contraint de réaliser une action n’a pas besoin d’être identique à la période pendant laquelle je l’accomplis : il est possible que je sois déjà forcé d’assister à un concert demain soir (puisque tu peux très bien t’être déjà assuré que si je n’y assiste pas, je m’expose à une terrible perte).
Cela dit, lorsque les marxistes affirment que les prolétaires sont forcés de vendre leur force de travail, ils ne disent pas : « X est un prolétaire en temps t seulement si X est en t forcé de vendre sa force de travail ». Car cela serait compatible avec la possibilité qu’il n’y soit pas forcé en t + n, aussi petit soit n. Il est possible que X soit forcé par exemple mardi de vendre sa force de travail le mardi, mais cela n’implique pas qu’il soit forcé ce mardi de vendre sa force de travail pour le mercredi (si par exemple les options qui lui sont ouvertes mardi impliquent qu’il n’a pas besoin de travailler mercredi). Alors, même s’il est toujours prolétaire mardi, il n’est, par conséquent, pas forcé de vendre sa force de travail au sens marxiste. L’objectif manifeste de l’énoncé marxiste est d’affirmer que le prolétaire est forcé en t de continuer à vendre sa force de travail tout au long d’une période qui s’écoule de t à t + n, pour une durée n considérable. Il en résulte, parce qu’il existe une possibilité de quitter cette condition, que nos contre-exemples ont empruntée,– et il ont atteint leur destination, comme je l’ai démontré, en moins de temps que n6 – qu’ils n’étaient pas, bien que prolétaires, forcés de vendre leur force de travail au sens où le marxisme l’entend.
Des prolétaires qui ont la possibilité de l’ascendance de classe ne sont donc pas forcés de vendre leur force de travail précisément parce qu’ils disposent réellement de cette option. Or, la plupart des prolétaires en disposent tout autant que nos contre-exemples. Par conséquent, la plupart des prolétaires ne sont pas forcés de vendre leur force de travail.
VII
Je suis à présent confronté à la seconde objection suivante : seuls quelques prolétaires peuvent exercer l’option de l’ascension de classe, parce que le capitalisme a besoin d’employer une force de travail importante ; ce qui serait impossible si plus que quelques travailleurs accédaient à une classe supérieure7 . En d’autres termes, l’accession à la petite bourgeoisie, ou autres positions non-prolétariennes, ne peut concerner qu’un nombre limité de travailleurs.
Je suis d’accord avec la prémisse, mais met-elle en échec l’argument contre lequel elle est dirigée ? Réfute-t-elle l’énoncé selon lequel la plupart des prolétaires ne sont pas forcés de vendre leur force de travail ? Je ne le pense pas.
L’analogie suivante en indiquera la raison. Dix personnes se trouvent dans une pièce, dont la seule sortie est une porte immense, lourde et fermée à clé. Une seule lourde clé se trouve à une distance variable de chacun. Quiconque prend la clé – et chacun en est physiquement capable, avec plus ou moins d’effort – et l’amène à la porte parviendra, avec beaucoup d’application, à l’ouvrir et à quitter la pièce. Mais dans ce cas, un seul pourra la quitter. Des dispositifs photoélectriques installés par un geôlier assurent en effet que la porte s’ouvre de telle sorte qu’une seule sortie sera autorisée. Alors, elle se fermera et personne dans la chambre ne sera plus capable de l’ouvrir.
Il en résulte que, quoi qu’il arrive, au moins neuf personnes resteront dans la pièce.
Supposons à présent qu’aucune des personnes présentes n’envisage de tenter de prendre la clé et de quitter la pièce. Peut-être que la pièce n’est pas si désagréable et qu’ils ne veulent pas la quitter. Ou peut-être est-elle désagréable, mais qu’ils sont trop paresseux pour consentir l’effort nécessaire à l’évasion. Ou peut-être que personne ne se pense capable de garder la clé si les autres interviennent (même si en fait personne n’interviendra, puisque tous manquent tellement d’assurance que chacun se croit également incapable de prendre la clé à l’autre). Supposez que, quelles que soient leurs raisons, ils sont si peu disposés à quitter la pièce que si l’un d’entre eux essayait de partir les autres n’interviendraient pas. L’absence générale d’action est compatible avec mon argument mais son explication ne l’est pas.
Ainsi, quelle que soit la personne que nous sélectionnons, il est sûr qu’aucune des neuf autres ne cherchera à prendre la clé. Par conséquent il est vrai que la personne sélectionnée est libre de prendre la clé et de l’utiliser8 . Elle n’est donc pas forcée de rester dans la pièce. Mais tout cela reste vrai quelle que soit la personne sélectionnée. Par conséquent, il est vrai de chaque personne qu’elle n’est pas forcée de rester dans la pièce, même si neuf personnes au moins y resteront nécessairement, et même en fait toutes.
Considérez à présent un exemple légèrement différent, une version modifiée de la situation qui vient d’être décrite. Dans la nouvelle configuration, il y a deux portes et deux clés. Les personnes sont toujours au nombre de dix, mais cette fois-ci, l’une d’entre elles essaie de sortir, et elle y parvient ; alors que les autres ne modifient pas leur comportement. Nous sommes sûrs désormais que huit personnes resteront dans la chambre, mais il est vrai que chacune des neuf personnes qui restent est libre de la quitter. L’élément pertinent, présent dans les deux cas, est qu’il existe au moins un moyen de sortir que personne ne tentera d’utiliser, même si chacun en a la liberté puisque, par hypothèse, personne ne l’en empêchera.
L’application de l’analogie paraît à présent évidente. Le nombre de sorties du prolétariat est objectivement faible. Mais la plupart des prolétaires ne cherchent pas à s’évader et, par conséquent, il est faux d’affirmer que chaque sortie fait l’objet d’une tentative active de la part d’un ou plusieurs prolétaires. Par conséquent, il existe une possibilité de s’évader pour la plupart9 des prolétaires. Dès lors, même si une majorité des prolétaires restera nécessairement prolétaire et vendra sa force de travail, il est tout de même possible qu’aucun ne soit forcé de le faire, ou que seule une minorité le soit.
Pour parvenir à cette conclusion, qui concerne la situation objective du prolétariat, j’ai utilisé des faits qui portent sur la conscience, à savoir les aspirations et les intentions des travailleurs. Ceci est légitime car, si les travailleurs sont objectivement forcés de vendre leur force de travail, alors ils sont obligés de le faire qu’elle que soit leur subjectivité. Cependant, leur position subjective effective implique qu’ils ne sont pas forcés de vendre leur force de travail. Par conséquent, ils ne sont pas objectivement forcés de vendre leur force de travail.
VIII
On pourrait dire, d’une manière générale, que nous avons trouvé un prolétariat plus libre que ne l’affirme le marxisme classique. Mais en revenant sur le fondement à partir duquel nous avons soutenu que la plupart des prolétaires ne sont pas forcés de vendre leur force de travail, nous devrions parvenir à une description plus fine de la position objective en termes de force et de liberté. Ainsi ne retirons-nous pas ce que nous avons affirmé mais allons sensiblement l’enrichir.
Tout ceci renvoie au raisonnement initialement appliqué à la situation des individus enfermés à clé dans une pièce. Chacun est libre de prendre la clé et de partir. Mais il faut tenir compte de la nature conditionnelle de cette liberté. Chacun est libre non seulement parce qu’aucun des autres ne cherche à prendre la clé, mais aussi à condition qu’ils ne le fassent pas (une condition qui, dans cette histoire, est satisfaite). Ainsi, chacun n’est libre qu’à condition que les autres n’exercent pas leur liberté, une liberté tout aussi conditionnelle. Une seule personne peut dès lors exercer la liberté que tous détiennent. Mais si l’une d’entre elles devait l’exercer, alors, du fait même de la situation, toutes les autres la perdraient.
Puisque la liberté de chacun est subordonnée à la propension des autres à ne pas exercer leur liberté tout aussi subordonnée, on peut dire que leur situation implique un fort degré de non-liberté. Même si chacun est individuellement libre de partir, il souffre avec les autres de ce que j’appellerai une absence de liberté collective.
Pour défendre cette hypothèse descriptive, réexaminons la question suivante : pourquoi les gens n’essaient-ils pas de partir ? Aucune des raisons suggérées précédemment – absence de désir, paresse, timidité – ne dépasse ce qu’un individu désire et craint pour lui-même. Mais les chroniques des motivations humaines attestent de cas dans lesquels les individus se soucient du sort des autres, notamment lorsqu’ils souffrent d’une oppression commune. Supposons donc, ce qui n’est pas si extravagant, qu’il existe dans cette pièce un sentiment de solidarité. Une quatrième explication de l’absence de tentative d’évasion s’impose alors à nous : personne ne sera satisfait d’une évasion personnelle si elle ne s’inscrit pas dans une libération générale10 .
La nouvelle hypothèse n’invalide pas l’affirmation selon laquelle chacun est libre de partir, puisque nous pouvons supposer qu’il reste vrai que personne ne rencontrerait de résistance s’il cherchait à utiliser la clé (on peut supposer qu’il susciterait le mépris des ses camarades, mais ceux-ci ne chercheraient pas à l’arrêter). Chacun reste libre de partir. Nous pouvons aussi envisager que des membres du groupe demandent à leur geôlier d’être libérés, ce à quoi il pourrait difficilement répondre qu’ils le sont déjà (même si suivant notre hypothèse ils le sont individuellement). L’hypothèse de solidarité rend évidente l’absence de liberté collective. Mais, à moins d’affirmer, ce qui est ridicule, que la solidarité génère l’absence de liberté à laquelle elle est une réponse, nous devons dire qu’il existe une absence de liberté collective, avec ou sans solidarité.
En revenant au prolétariat, nous pouvons conclure, pour la même raison, que même si la plupart, voire tous les prolétaires sont individuellement libres de s’évader du prolétariat, le prolétariat lui-même reste collectivement non-libre, une classe emprisonnée.
Marx a souvent soutenu que le travailleur est non pas forcé de vendre sa force de travail à un capitaliste particulier, mais à un capitaliste quel qu’il soit. Et il a mis l’accent sur la valeur idéologique de cette distinction11 . Le point que nous discutons à présent est le suivant : même si les travailleurs sont collectivement forcés de vendre leur force de travail, quasiment aucun prolétaire individuel n’est forcé de se vendre lui-même à un capitaliste ou à un autre. Cet argument a lui aussi une valeur idéologique. Le caractère génial de l’exploitation capitaliste tient en partie à ce que, contrairement à l’exploitation fondée sur « des raisons extra-économiques »12 , elle ne requiert la non-liberté d’aucun individu déterminé. Il existe un anonymat, à forte teneur idéologique, des deux côtés de la relation d’exploitation.
IX
Une partie de l’argument permettant d’affirmer la liberté de s’évader pour les prolétaires considérés individuellement implique cependant que peu d’entre eux n’envisagent cette possibilité. Pourquoi devrait-il en être ainsi ? Voici quelques raisons :
1. Il est possible de s’évader mais ce n’est pas facile, et l’on a tendance à ne pas tenter ce qui est difficile, quoique possible.
2. Il faut également tenir compte de ce que Marx appelait la « sourde pression des rapports économiques »13 . La longue occupation, par exemple depuis la naissance, d’une position de classe subordonnée, nourrit l’illusion, aussi importante pour la stabilité du système que le mythe de la sortie facile, que la position de classe de quelqu’un est naturelle et inéluctable.
3. Soulignons enfin le fait que tous les travailleurs ne souhaitent pas devenir des petits-bourgeois ou des « transpetit-bourgeois ». Comme le disait Eugene Debs, « je ne veux pas m’élever au-dessus de la classe ouvrière, je veux m’élever avec elle » . Il écarte ainsi une attitude que nous avons envisagée lors de l’exemple de la pièce fermée à clé. Car il est parfois vrai que le travailleur, pour reprendre les mots de Brecht,
Il ne veut voir parmi soi aucun esclave
Et au-dessus de lui aucun maître14 .
Ces vers envisagent une libération plus haute : non seulement celle de la classe ouvrière, mais aussi et par là même de la société de classe.
X
Dans la suite de l’article, je considère des objections aux arguments des sections VII et VIII, que je nommerai par la suite argument 7 et argument 8, d’après les numéros des sections dans lesquelles ils ont été présentés :
7 : Les possibilités de sorties du prolétariat britannique sont plus nombreuses que le nombre de travailleurs cherchant à le quitter. Par conséquent, les travailleurs britanniques sont individuellement libres de quitter le prolétariat.
8 : Il existe très peu de possibilités de sorties du prolétariat britannique, qui comprend de très nombreux travailleurs. Par conséquent, les travailleurs britanniques ne sont pas collectivement libres de quitter le prolétariat.
Pour reprendre le langage fort utile des scolastiques médiévaux, les travailleurs ne sont pas forcés de vendre leur force de travail au sens divisé, mais ils sont forcés de le faire au sens composé15 .
Les arguments sont compatibles. Hillel Steiner a signalé un conflit potentiel entre eux, mais celui-ci reste improbable. Le conflit potentiel porte sur mon attribution au marxisme (voir section VI) de l’énoncé selon lequel le travailleur est forcé de rester un travailleur pendant une période considérable n, un énoncé que la conclusion de l’argument 7 vise à rejeter. Or, plus n est important, plus il est facile de réfuter l’énoncé marxiste et d’affirmer la conclusion de l’argument 7. Mais en même temps que n s’accroît, le nombre de sorties du prolétariat augmente, et la conclusion de l’argument 8 devient proportionnellement moins solide. Pour soutenir les deux arguments sans équivoque, il faut choisir une valeur de n qui soit intuitivement plausible sous ces pressions antagoniques. Il n’est pas difficile de satisfaire l’exigence : cinq ans, par exemple, conviendront.
Les lecteurs de droite applaudiront l’argument 7, mais ils voudront résister à l’argument 8. Les lecteurs de gauche auront, pour chaque argument, la réaction opposée. Dans les sept dernières sections, je discute d’abord quatre objections de droite à l’argument 8, puis trois objections de gauche à l’argument 7.
Un argument doté d’une prémisse unique peut être contesté par sa prémisse, par son inférence et, indépendamment de la manière dont celle-ci est construite, par sa conclusion. La section XI considère l’inférence de l’argument 8 ; les sections XII et XIII examinent si sa conclusion est vraie ou, le cas échéant, si elle est intéressante ; et la section XIV étudie sa prémisse. Les sections XV et XVI contestent l’inférence de l’argument 7, et la section XVII analyse sa prémisse.
XI
Quelqu’un qui croit, contrairement à Frankfurt, que seule l’action humaine est cause de contrainte, pourrait répondre de la manière suivante à la façon dont est construite la conclusion de l’argument 8, selon laquelle les travailleurs britanniques ne sont pas collectivement libres :
Les prisonniers de cette pièce ne sont pas collectivement libres, puisque l’existence d’une seule sortie disponible résulte de l’action du geôlier. S’ils s’étaient égarés dans une cave de laquelle, pour des raisons particulières, seule une personne pourrait sortir, alors, bien qu’ incapables, collectivement, de partir, ils ne sont pas privés de la liberté de le faire, puisque personne ne les force à y rester. Il est vrai qu’au sens composé, la plupart des prolétaires doivent rester prolétaires, mais ceci est dû à une relation numérique qui ne relève pas de l’action humaine. Il est donc incorrect de dire du prolétariat qu’il est collectivement non libre de partir même s’il en est collectivement incapable. En résumé, les restrictions admises à l’ascension prolétaire ne sont pas causées par des facteurs justifiant l’application des concepts de force et d’absence de liberté.
Je vois quatre réponses à cette objection.
D’abord, si l’exemple de la cave illustre la thèse selon laquelle on n’est jamais forcé que par la contrainte humaine, il montre également combien cette thèse est improbable. Il semble en effet erroné d’affirmer que les malheureux promeneurs ne sont forcés de rester dans la cave que si quelqu’un les y a placés, ou les y maintient.
On peut en outre contester l’idée (dans tous les cas discutable) selon laquelle l’exigence d’une action humaine contraignante est satisfaite dans l’exemple de la cave. Il existe une absence de liberté collective de partir au sens où, dès qu’une personne est partie, les autres sont empêchées de le faire. Et de même qu’un individu est non-libre lorsque sa tentative d’accomplir A est bloquée par la tentative similaire d’un autre individu, de même un collectif est non-libre lorsqu’une tentative par plus de n personnes de faire A est bloquée par ce sous-ensemble de n qui parvient à le faire. Cela s’applique au prolétariat, lorsque le nombre de sorties est limité. Les prolétaires ne sont pas collectivement libres puisque, dans la mesure où ceux qui essaient de s’évader sont plus nombreux que les possibilités de sortie, ceux qui parviennent à s’évader assurent l’emprisonnement de ceux qui ont échoué.
Or, si l’on écarte la contrainte mutuelle résultant du nombre excédent de personnes par rapport au nombre de sorties, il faut tenir compte du fait que la relation numérique défavorable reflète la structure du capitalisme. Une structure qui, comme nous l’avons vu dans la section IV, est suffisamment liée, de plusieurs manières, aux actions humaines pour pouvoir satisfaire les scrupules « non frankfurtiens » qui motivent la présente objection. Les prolétaires souffrent d’un accès limité aux moyens de libération parce que les droits de la propriété privée sont garantis par l’exercice du pouvoir capitaliste.
Enfin, même si nous devions renoncer à l’affirmation selon laquelle les travailleurs ne sont pas collectivement libres de sortir au profit de celle selon laquelle ils en sont collectivement incapables, la retraite ne serait que tactique. Car quiconque se soucie de la liberté humaine et de son expansion doit également s’inquiéter de l’incapacité structurellement provoquée (quelle que soit la manière dont on la nomme) quand bien même on refuse de la considérer comme une absence de liberté. Admettons que les promeneurs ne sont pas forcés de rester dans la cave, il reste indéniable que les relâcher équivaut à les libérer.
XII
L’objecteur de la section XI n’était pas convaincu que la situation du prolétariat puisse être décrite comme une situation de liberté collective, mais il ne contestait pas le concept même d’absence de liberté collective conçu comme distinct de celui d’absence de liberté individuelle. Je vais traiter à présent d’un scepticisme d’inspiration différente. Écartons la question de la raison pour laquelle le nombre de positions non prolétariennes est limité. L’absence d’accès qui en résulte justifie-t-il ma description selon laquelle les travailleurs sont dépourvus de liberté collective ? J’ai soutenu qu’en un sens ils ne sont pas libres de s’évader et, puisqu’ils sont considérés comme libres au sens divisé, il s’agit d’une absence de liberté collective.
L’absence de liberté collective peut être définie de la manière suivante : un groupe souffre d’absence de liberté collective par rapport à un type d’action A si et seulement si la réalisation de A par tous les membres du groupe est impossible16 . L’absence de liberté collective peut varier d’une configuration à une autre, et elle s’accroît lorsque le rapport entre le nombre maximal de personnes pouvant réaliser A et la population totale du groupe se réduit. L’absence de liberté collective est particulièrement intéressante lorsque, comme c’est le cas dans notre exemple, la liberté est envisagée comme étant plus importante pour un ensemble d’individus considérés individuellement que pour les mêmes individus considérés en tant que membres d’un groupe : nous pourrions dire que l’absence de liberté collective est irréductiblement collective lorsque ceux qui peuvent accomplir l’action A au sens divisé sont plus nombreux que ceux qui peuvent l’accomplir au sens composé. Partant, plus le rapport mentionné précédemment est faible plus l’absence de liberté collective est significative, et plus l’action A est importante ou désirable.
En première approximation, on peut dire qu’une personne n’est pas libre au sens collectif du terme lorsqu’un nombre suffisamment important de personnes disposant de leur liberté individuelle conduit justement à la perte de cette même liberté. Plus précisément : X est en situation d’absence collective de liberté par rapport à un type d’action A si et seulement si X appartient à un ensemble de n personnes tel que :
-
Pour une élaboration de cette définition et une défense de son attribution à Marx, voir Karl Marx’s Theory of History (Oxford: Oxford University Press et Princeton: Princeton University Press), pp. 63-77, 222-223, 333-336. Dorénavant cité KMTH. [] ↩
-
Pour la position de Nozick, voir Anarchie, État et utopie (Paris : Puf, 1988 [1974]), pp. 321-324, que je critique à la p. 151 de « Robert Nozick and Wilt Chamberlain », in John Arthur et William Shaw (ed.), Justice and Economic Distribution (Englewood Cliffs, NJ: Prentice-Hall, 1978). Pour un examen plus approfondi des définitions de la liberté erronées-parce-que-morales, voir mes articles « Capitalism, Freedom and Proletariat », The Idea of Freedom, p. 12-14 ; « Illusions about Private Property and Freedom » in John Mepham et David Ruben, Issues in Marxist Philosophy (Hassocks, 1981), 4: 228-229 ; « Freedom, Justice and Capitalism », New Left Review, n°126, mars-avril 1981, pp. 10-11. Une critique en partie semblable des énoncés moraux de la force et de la liberté est proposée par David Zimmerman dans « Coercive Wage Offers », Philosophy \& Public Affairs 10, n°2, printemps 1981, pp. 121-131. [] ↩
-
Frankfurt souligne que des choses et des processus naturels qui opèrent indépendamment de l’action humaine forcent également les personnes à l’action. Voir « Coercion and Moral Responsibility », in Ted Honderich (ed.) Essays of Freedom of Action, London : Routledge \& Kegan Paul, 1973, pp. 83-84. Remarquez qu’on peut être d’accord avec Frankfurt tout en niant que le manque de capacité limite la liberté : la question du rôle des obstacles internes dans cette limitation est différente de celle de la nature des obstacles externes. [] ↩
-
Voir KMTH, pp. 31-35, 63-65, 217-225. [] ↩
-
Au moins la plupart : on pourrait soutenir que tous les prolétaires britanniques sont dans une telle position, mais je conserve « la plupart » au cas où quelqu’un pourrait découvrir que les conditions objectives sont encore pires que les pires circonstances vécues par les immigrés devenus plus prospères. Voir également note 6. [] ↩
-
Cela peut très bien être mis en doute, puisque la taille de n est une question de jugement. Je défendrai le mien en faisant référence à qu’il est naturel d’affirmer à un travailleur qu’il n’est pas forcé de (continuer à) vendre sa force de travail, puisqu’il peut engager des démarches pour s’établir comme commerçant. Ceux qui pensent différemment devraient pouvoir, à la limite, nier que la plupart des prolétaires ne sont pas forcés de vendre leur force de travail, mais ils ne peuvent pas fournir de contre-exemples à la généralisation selon laquelle tous sont forcés. En effet, notre futur petit-bourgeois est un prolétaire à l’aube de son ascension quand il n’est pas forcé de vendre sa force de travail, à moins que nous choisissions, ce qui est absurde, une valeur de 0 pour n. [] ↩
-
« Ce qu’il y a de vrai dans tout cela, c’est que dans la société bourgeoise, tout ouvrier – s’il est très intelligent et rusé, doué d’instincts bourgeois et favorisé par une chance exceptionnelle – peut lui-même être transformé en un exploiteur du travail d’autrui. Mais, s’il n’y avait pas de travail à exploiter, il n’y aurait ni capitaliste, ni production capitaliste » (Marx, Un chapitre inédit du Capital, Paris : UGE, 1971, p. 294, souligné dans l’original). Pour un commentaire de textes similaires voir KMTH, p. 243. [] ↩
-
En effet, quelle que soit l’analyse correcte de « X est libre de faire A », il est clair que X est libre de faire A si, en essayant de faire A, X faisait A, et cette condition suffisante de la liberté est tout ce dont nous avons besoin ici. Certains ont contesté ceci en affirmant que la condition proposée n’est pas suffisante : il est possible, disent-ils, qu’une personne fasse quelque chose qu’elle n’est pas libre de faire, puisqu’il est possible qu’elle agisse alors qu’elle n’est pas légalement, ou moralement, libre de le faire. Ceux qui acceptent cette remarque inutile peuvent considérer que je m’intéresse à l’usage non normatif de « libre », tel qu’il est spécifié par la condition suffisante qui vient d’être énoncée. [] ↩
-
Voir notes 5 et 6 [] ↩
-
Dans un commentaire stimulant de l’argument des sections VII et VIII, Jon Elster remarque qu’il permet d’éviter deux erreurs, celle de composition (« ce qui est vrai de chacun doit être vrai de tous ») et celle de division (« ce qui est vrai de tous doit être vrai de chacun »). « Il est vrai de tout travailleur individuel qu’il est libre de quitter la classe, mais pas de tous les travailleurs simultanément. La raison pour laquelle le travailleur individuel est libre de quitter la classe est que les autres ne veulent pas la quitter ; et la raison pour laquelle les autres ne veulent pas la quitter est que toute chose qui peut être désirable si elle arrive simultanément à tous les membres n’est pas nécessairement désirable si elle arrive à un membre séparément et exclusivement » (première version de l’article sur « Freedom and Power », p. 63). Elster montre que de telles structures sont très répandues dans la vie sociale. [] ↩
-
Voir KMTH, p. 223 pour un exposé et certaines références. [] ↩
-
La phrase est de Marx, Le capital, Livre III, tome III, Paris : Éditions sociales, 1960, p. 171. Voir KMTH, pp. 82-84, pour une discussion des différents modes d’exploitation. [] ↩
-
Le capital, Livre premier, tome III, Paris : Éditions sociales, 1950, p. 178. [] ↩
-
D’après sa « Chanson sur le front uni ». [] ↩
-
G.A. Cohen utilise les expressions latines « in sensu diviso » et « in sensu composito ». Nous préférons les formulations « au sens divisé » et « au sens composé », plus courantes [NdT]. [] ↩
-
C’est-à-dire si et seulement s’il n’est pas possible que, pour tout X, X réalise A (même si pour tout X, il est possible que X réalise A). On peut également s’interroger sur ce qui peut causer une telle impossibilité. Cette complication est pour l’instant laissée de côté, elle sera discutée dans la section XI. [] ↩
